Publié le Mar 06 Mai 2025 | Modifié le Mar 06 Mai 2025 245 Vue(s) [574 articles]
Le samedi 3 mai 2025, une conférence de presse s’est tenue au siège de la chefferie traditionnelle d’Elokato, dans la commune de Bingerville. Animée conjointement par Anderson Adé, Raoul Boka, Namu Nicaise, Akobey Rommin Bernard Anoma et Assandé Nicaise olivier, représentants les villages d’Elokato, d’Elokaté et de M’batto Bouaké, ladite conférence de presse avait pour trame d’interpeller les autorités et prendre à témoin l’opinion publique sur un litige foncier qui les oppose à la société Palmafrique.
« Nous voulons par cette conférence de presse dénoncer la spoliation continue et organisée de nos terres par l’Etat, à travers son ministère de la Construction du Logement et de l’Urbanisme. Nos terres, héritées de nos ancêtres et garantes de notre identité, de notre culture et de notre survie économique, font aujourd’hui l’objet de convoitises sans précédent. Des acquisitions foncières opaques, des accaparements déguisés sous couvert de projets dits « de développement » menacent notre droit fondamental à la terre. Nous ne sommes pas opposés au développement. Mais un développement qui se construit sur l’injustice, l’exclusion et la violence foncière ne peut être ni durable, ni prospérer dans le temps» ont-ils souligné d’emblée. Raison pour laquelle les conférenciers ont décidé de briser le silence pour interpeller les autorités compétentes sur leur responsabilité, leur silence ou leur complicité et proposer les pistes de solution.
Les communautés de ces trois villages dénoncent notamment l’affectation d’une parcelle de terrain d’une superficie de 510.598 m2 sise à Eloka, au Directeur général de la société Palmafrique immobilier SA , par un courrier signé le 6 septembre 2023, par le ministre de la construction, du logement et de l’urbanisme. Puis l’affectation de la parcelle de terrain d’une superficie de 2.341.875 m2 sise également à Eloka, au même bénéficiaire, dans un courrier en date du 9 octobre 2023, signé par le ministre Bruno Koné. Dans les deux courriers, on peut lire « La présente lettre d’affectation est délivrée à l’effet de vous permettre d’engager les formalités d’établissement d’un arrêté de concession définitive (ACD) au profit de la société palmafrique immobilier sa. Or, selon les conférenciers, les communautés villageoises la croisière sa a changé de nom en 2023, pour devenir Palmafrique immobilier sa. « Nous n’avons aucun lien avec palmafrique immobilier sa, mais plutôt avec la société Palmafrique, avec laquelle nous sommes liés par une convention qui leur permet d’exploiter nos terres. Et l’article 2 de la convention stipule que Palmafrique doit informer au préalable les villages en cas de cession de la parcelle exploitée à une personne physique ou morale. » ont-ils dit. Avant d’ajouter que depuis 2008, cette société a versé à chaque village, la somme de 5 millions de francs cfa par an jusqu’en 2023, en contre partie du droit d’usufruitier à eux concédé. « Nous avons été appelé récemment pour aller prendre cette somme mais nous avons refusé, parce que nous voulons la rétrocession de nos terres, d’autant plus que les activités de Palmafrique ont cessé depuis 9 mois » ont-ils indiqué.
Rappelant le contexte historique, ils ont relevé que c’est en 1928, que la Société des Plantations de l’Afrique de l’Ouest (SPAO) a réquisitionné, sous le régime colonial, les terres des villages d’Elokato, d’Elokate et de M’Batto-Bouaké à des fins agricoles, sans la purge des droits coutumiers ni d’indemnisations.
« Dans les années 1960, dans un contexte de politique agricole nationaliste, l’État ivoirien a procédé à l’expropriation de milliers d’hectares sans respect des procédures légales, ni reconnaissance des droits coutumiers des populations d’ELOKA et de M’Batto Bouaké pour promouvoir diverses cultures de rentes. C’est dans cette dynamique que le 02 Mai 1964, l’Etat Ivoirien crée la SODEPALM devenu aujourd’hui PALMAFRIQUE en remplacement de la SPAO à travers les arrêtés N 604 et 837AGRI/DOM de l’année 1964.
En période post-coloniale, c’est-à-dire dès l’accession à l’indépendance politique, l’Etat de Côte d’Ivoire s’est approprié la parcelle de 2339 HA 28 A 28 CA, et l’a concédée à la société d’Etat, de spécialité agro-industrielle dénommée SODEPALM, devenue plus tard PALM-INDUSTRIE, aujourd'hui PALMAFRIQUE.
Les Communautés villageoises de ELOKA et de M’Batto Bouaké ont demandé à l’Etat de Côte d’Ivoire le retour dans son domaine privé de ladite parcelle. En réponse audit courrier, le président de la République de Côte d’Ivoire, son Excellence Aimé Henri Konan BEDIE, a, par courrier numéro 4124 PR/DAC, en date du 09 Octobre 1996, informé la communauté villageoise de son engagement ferme de rétrocéder ladite parcelle de forêt aux autochtones du village de ELOKA, afin de leur permettre d’entreprendre des exploitations agricoles individuelles » ont dit les conférenciers.
Selon eux, une demande de rétrocession des terres déclassées de la société Palmafrique, ex Sodepalm, a été adressée au ministre de la construction, du logement et de l’urbanisme le 8 mai 2023.
« Dans l’expectative de la rétrocession des terres, nous avons appris que la société PALMAFRIQUE, par l’intermédiaire de son Directeur Général, a fait une demande de radiation des clauses en date du 11 Janvier 2023 et enregistré au Guichet Unique du Foncier sous le numéro RC-202300000593 du 31 Janvier 2023. Ainsi, le 20 Mars 2023, le Ministère de la Construction du Logement et de l’Urbanisme a fait droit à la demande de la Société PALMAFRIQUE en prenant l’arrêté N° 23-00001/MCLU/DGUF/DDU/SAS/DB/RK portant radiation de la clause d’affectation « à usage exclusif de vente des produits récoltés et terrain rural » de la parcelle de terrain d’une superficie de 23 392 828 m2, sise à ELOKA.
Poursuivant dans cette même dynamique le Ministre de la Construction du logement et de l’urbanisme par courrier en date du 6 septembre et 9 octobre 2023, a affecté 19.179.200 m² sur les 23.392.228 m² soit 80% de nos parcelles sises à Eloka et M le directeur général de la société Palmafriqe immobilier sa. Alors même que cinq mois plutôt, précisément le 20 Avril 2023, il nous a été donné de constater que la société PALMAFRIQUE a introduit une demande d’ACD auprès des services du ministère de la Construction et du logement et de l’urbanisme au nom et pour le compte de la Société SCI PALMAFRIQUE IMMOBILIER.
Les communautés villageoises ayant appris cette information ont fait opposition à délivrance d’ACD par courrier en date du 01 aout 2023 » ont indiqué les conférenciers.
Ils ont souligné que face à ces agissements qui pourraient mettre à mal la cohésion sociale et la paix, les villageois ont demandé par courrier en date du 08 Mai 2023 réceptionné le 10 Mai 2023, nous la rétrocession des terres objet de l’arrêté ci-dessus évoqué.
« Les parcelles étant revenues dans le patrimoine foncier des villages, les communautés ont décidé de les immatriculées à leur profit et c’est à juste titre que les autorités compétentes ont été saisis.
Dans l’attente des résultats de l’enquête publique de mars et avril 2024 relative auxdits parcelles, nous découvrons que le Ministre de la construction de l’urbanisme et du logement a cédé la quasi-totalité de ces parcelles à une structure dite SCI PALMAFRIQUE IMMOBILIER créée de toutes pièces par des particuliers à dessein » ont-ils déploré.
Dans une déclaration, le peuple d’Eloka et de M’batto rappelle que « ces terres appartiennent historiquement à notre communauté, selon le droit coutumier reconnu par la loi ivoirienne (loi n°98-750 du 23 décembre 1998 sur le foncier rural, que nous n’avons jamais cédé ces terres à titre définitif à PALMAFRIQUE, ni à ses successeurs, que nous n’avons jamais donné notre consentement libre, préalable et éclairé à PALMAFRIQUE pour exploiter notre patrimoine foncier à des fins que leur objet social, que nous exigeons justice, reconnaissance et réparation. Nous réclamons En conséquence l’annulation immédiate des courriers du Ministre portant affectation de nos terres à la SCI PALMAFRIQUE IMMOBILIER, une société de droit privé créée seulement en 2023, l’affectation officielle de la propriété coutumière des terres par l’État au profit des villages d’Eloka et de M’Batto-Bouaké, le rejet pur et simple de toute procédure engagée par la SCI PALMAFRIQUE IMMOBILIER visant à obtenir des ACD sur nos parcelles. Et réclamons dans les plus brefs délais les résultats de l’enquête publique ».
Les conférenciers soutiennent que la justice a été saisie par un recours gracieux et invitent la presse, la société civile, les ONG de défense des droits humains, les leaders d’opinion, les avocats, les parlementaires, à se tenir aux côtés des villages d’Eloka et de M’Batto Bouaké pour que justice soit faite et que le droit des peuples à la terre soit respecté. Ils annoncent que les trois villages vont organiser bientôt une marche sur la sous préfecture de Bingerville, afin de déposer une motion.
Jules Stefan
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