Publié le Dim 24 Novembre 2024 21 Vue(s) [236 articles]
La commune d’Abidjan est au centre d’un conflit entre son maire, Sylvestre Emmou, issu du PDCI, et le ministre-gouverneur du district, Ibrahim Cissé Bacongo. Chacun revendique la propriété du quartier Abattoir, un site stratégique de la capitale économique ivoirienne.
Le 18 novembre, la crise qui oppose le
district autonome d’Abidjan à la mairie de Port-Bouët a connu un nouvel
épisode. Une tentative d’installation d’équipes de contrôle sanitaire par le
ministère des Ressources animales et halieutiques, dirigé par Sidi Touré, a
dégénéré en incident violent, filmé et largement partagé sur les réseaux
sociaux. La vidéo montre le directeur général des services techniques du
district et directeur par intérim de l’abattoir arrachant et projetant au sol
le téléphone d’un agent de la mairie.
40 000 personnes délogées selon la
mairie
Les premières tensions sont apparues en 2019, lorsque la nouvelle municipalité,
dirigée par Sylvestre Emmou, a pris ses fonctions. Face à la dégradation de
l’environnement autour de l’abattoir, en raison notamment du bassin d’orage
devenu décharge sauvage face à la place Akwaba, un projet d’embellissement a
été lancé. « L’objectif était de rendre la commune propre et de fournir à
ses habitants les infrastructures nécessaires pour une meilleure qualité de
vie, » explique Fulbert Lokougnan, directeur du cabinet du maire à Jeune
Afrique, le 21 novembre. Le district d’Abidjan, alors dirigé par l’actuel
Premier ministre, Robert Beugré Mambé, s’était fermement opposé à ces travaux,
revendiquant la propriété du site.
Le conflit a pris une nouvelle dimension en juin 2024, sous l’administration
d’Ibrahim Cissé Bacongo, nouveau ministre-gouverneur d’Abidjan. Du 1ᵉʳ au 4
juin, le district a procédé au « déguerpissement » massif du
quartier, affectant « entre 5 000 et 6 000 familles, soit près de 40
000 personnes, sans consultation préalable », selon la mairie, et
« 595 familles, soit environ 3 500 personnes », selon le district.
Le quartier Abattoir avait déjà fait l’objet d’une telle opération en 2018,
cette fois après plusieurs séances d’information et de concertation. Pour
reloger les populations, le district autonome d’Abidjan avait alors acquis un
site de 10 ha à Anani, toujours dans la commune de Port-Bouët. Mais les
habitants sont progressivement revenus occuper le site.
La délocalisation du parc à bétail, le 1ᵉʳ juin dernier, vers Adjamé, a donc
déclenché des affrontements violents entre bouviers, forces de l’ordre et
agents du district. Le bilan de cette journée s’élève à une quinzaine de
blessés et à des dégâts matériels considérables : deux véhicules 4×4 et deux
porte-chars incendiés, deux pelles mécaniques détruites, un car de police brûlé
et un bus de la Sotra vandalisé. 23 personnes, identifiées comme les
principaux instigateurs des troubles, ont été arrêtées.
En octobre, la situation s’est encore détériorée avec le lancement de travaux
de construction sur le site déguerpi. « Aujourd’hui, nous constatons avec
une profonde amertume que le district d’Abidjan, une fois de plus, s’arroge le
droit de disposer de notre territoire communal en y réalisant des ouvrages sans
aucune concertation préalable, et en procédant à des cessions et des
attributions de parcelles en violation flagrante des dispositions réglementaires
en vigueur, » déclare Fulbert Lokougnan.
Les déguerpissements suspendus
Le conseil municipal a donc adopté, le 17 octobre, un arrêté ordonnant l’arrêt
immédiat des travaux. Et, le 6 novembre, la mairie a organisé une visite de
terrain avec la presse locale. La réponse du district ne s’est pas fait
attendre. « La mairie de Port-Bouët ne peut pas empêcher le district
d’Abidjan de réaliser des aménagements sur ses propriétés, » affirme
Nicolas Baba Coulibaly, son directeur de la communication. Il rappelle que
« l’ensemble immobilier a toujours appartenu aux différents démembrements
qui se sont succédé à partir de 1955 ».
Une réunion, organisée le 8 novembre au cabinet du maire de Port-Bouët, à
l’initiative du directeur général de la police nationale, en présence du préfet
de police d’Abidjan et du représentant du district n’a pas permis d’apaiser les
tensions. « Le dialogue reste possible, assure Fulbert Lokougnan, mais il
doit s’inscrire dans le respect des compétences de chaque institution. »
Le 21 novembre, nouveau coup de théâtre. Lors d’une réunion interministérielle,
le Premier ministre Robert Beugré Mambé a annoncé plusieurs mesures
d’apaisement. Les déguerpissements dans le district d’Abidjan sont
officiellement suspendus, sauf en cas de risque imminent. Un plan de relogement
concret se dessine sur le site d’Adonkoi 1 à Anyama, visité la veille par le
chef du gouvernement. Cela concerne-t-il Port-Bouët? « La décision
concerne les déguerpissements dans leur ensemble », précise Sylvie Touré,
directrice de la communication de la primature.
Source : Jeune Afrique
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