Publié le Ven 06 Décembre 2024 27 Vue(s) [143 articles]
Au lendemain d'une censure historique, Michel Barnier présente, jeudi 5 décembre, sa démission à Emmanuel Macron qui va s'exprimer à 20 heures à la télévision pour tenter de fixer un cap alors que s'ouvre une période politique d'une rare incertitude.
Trois mois seulement après sa nomination
à Matignon, Michel Barnier va prendre ce matin le chemin de l'Élysée pour
présenter sa démission à Emmanuel Macron qui retourne ainsi à la case départ et
doit trouver un nouveau Premier ministre dans un contexte politique encore plus
compliqué qu'au mois de septembre. Marine Le Pen, alors encline à l’indulgence,
a décidé de durcir le ton et n'a pas hésité à condamner Michel Barnier. Elle
entend bien continuer à peser notamment sur le budget qu’elle dit vouloir
« co-construire » avec le prochain chef du gouvernement, rapporte
Valérie Gas du service politique de RFI.
Il s'agit désormais pour le chef de l'État de résoudre la quadrature du cercle,
entre reconduite du « socle commun » entre macronistes et LR ou élargissement
de ses contours afin de dégager une coalition gouvernementale davantage capée
pour résister à une future tentative de censure.
L'éventualité d'un accord de « non-censure »
Les Républicains ne « feront pas tomber » le prochain gouvernement même
s'ils décidaient de ne pas y participer, a assuré sur France 2 leur chef de
file à l'Assemblée, Laurent Wauquiez. « On ne sera pas dans le blocage, on
ne sera pas dans la stratégie du pire », a-t-il ajouté, conditionnant la
participation de son parti à la nouvelle équipe en fonction des priorités qui
seront mises sur la table.
Le patron des députés macronistes, Gabriel Attal, qui va réunir les ténors de
Renaissance dans la matinée, propose, lui, un accord de
« non-censure » avec le Parti socialiste pour échapper à la tutelle
du Rassemblement national. La gauche réclame à nouveau Matignon, mais
l'éventualité d'un accord de « non-censure » avec le bloc central
semble vouée à l'échec tant que le PS ne se désolidarise pas de la France insoumise,
son alliée au sein du Nouveau Front populaire. L'équation est d'autant plus
complexe qu'une nouvelle dissolution et de nouvelles élections législatives ne
peuvent pas intervenir avant juillet.
Emmanuel Macron doit s'adresser aux Français ce jeudi soir au journal de 20
heures. Selon des indiscrétions dans la presse, il aurait évoqué l'hypothèse de
nommer un nouveau Premier ministre immédiatement.
Il est vrai que la France a besoin d'un budget, mais ses conseillers répondent
que rien n'est arrêté. Des noms circulent néanmoins, certains déjà évoqués en
septembre : Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, François Bayrou, Bernard
Cazeneuve, d'autres émergent comme Bruno Retailleau, François Baroin, le maire
de Troyes, Thierry Breton, l’ancien commissaire européen, ou François Villeroy
de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, un grand commis de l’État pour
s’extraire des crispations partisanes. Les paris sont ouverts, mais un
parlementaire du camp présidentiel s'inquiète et déclare : « Je ne sais
plus où on va, il faut qu'on arrête le massacre. »
La tâche du futur titulaire s'annonce, quoi qu'il en soit, immense. Dans son
discours devant l'Assemblée qui s'apprêtait à le congédier, Michel Barnier a
prévenu : la « réalité » budgétaire ne « disparaîtra pas
par l'enchantement d'une motion de censure ». Attendu à 6,1% du PIB
en 2024, bien plus que les 4,4% prévus à l'automne 2023, le déficit public
raterait son objectif de 5% en l'absence de budget, et l'incertitude politique
pèserait sur le coût de la dette et la croissance.
Michel Barnier, Premier ministre le plus éphémère de la Ve République
L'émotion était perceptible dans la voix de Michel Barnier quand il a prononcé
son dernier discours dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale avant que la
censure ne soit votée. Lui qui était arrivé à Matignon avec l'ambition de
mettre en place une nouvelle méthode basée sur « l'écoute, le dialogue, le
respect » n'a pas réussi à relever le défi, rapporte Valérie Gas du
service politique de RFI.
Le super négociateur du Brexit n'a pas trouvé le chemin du compromis avec les
députés pour surmonter le handicap de l'absence de majorité, il quitte donc ses
fonctions avec le titre peu glorieux du Premier ministre le plus éphémère de la
Vᵉ République, lui qui avait égratigné son prédécesseur Gabriel Attal lors de
la passation de pouvoir en lui rappelant qu'il n'avait duré que huit mois à
Matignon.
Cruauté d'une séquence politique inédite où l'expérience de Michel Barnier, qui
a occupé toutes les fonctions locales et nationales, n'a pas suffi pour
négocier un budget. Sa volonté de laisser le débat parlementaire se dérouler a
été vaine. Ses concessions de dernière minute au Rassemblement national lui ont
attiré des critiques au sein même de son socle. Michel Barnier a échoué, mais
ses adversaires reconnaissent que c'est un homme « respectable » qui a
fait ce qu'il a pu.
RFI
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