Publié le Lun 09 Décembre 2024 21 Vue(s) [143 articles]
Le vice-président du Ghana et candidat du parti au pouvoir à la présidence, Mahamudu Bawumia, a reconnu ce dimanche 8 décembre sa défaite face à l'ancien président John Dramani Mahama lors des élections présidentielles et législatives organisées la veille.
Le vice-président ghanéen Mahamudu Bawumia, candidat du Nouveau parti
patriotique (NPP) au pouvoir, a déclaré, dimanche 8 décembre, qu'il reconnaissait
sa défaite lors de l'élection présidentielle de la veille, précisant qu'il
avait appelé son adversaire John Mahama pour le féliciter. L'annonce a été
faite avant la publication officielle des résultats par la commission
électorale. « Le peuple ghanéen s'est exprimé, il a voté pour le
changement et nous le respectons en toute humilité », a-t-il déclaré lors
d'une conférence de presse, dans la matinée de ce dimanche 8 décembre, à Accra,
la capitale.
« Mesdames et messieurs des médias, Ghanéens ici et à l’étranger, laissez-moi
vous dire que, d’après les chiffres issus de nos propres compilations, l’ancien
président, son excellence John Dramani Mahama, a remporté l’élection de manière
indiscutable. Je viens de l’appeler pour le féliciter en tant que président élu
de la République du Ghana. Je reconnais ma défaite avant la publication des
résultats officiels par la commission électorale, pour éviter tout risque de
tensions et préserver la paix de notre pays », a encore souligné Mahamudu
Bawumia.
Ambiance de fête
Suite à cette annonce, John Dramani Mahama était attendu au siège du Congrès
national démocratique (NDC) où se trouvait notre envoyée spéciale à Accra,
Bineta Diagne, entourée de militants qui célébraient la victoire dans
l'attente de la première prise de parole de leur leader. Ici, la déclaration de
Mahamudu Bawumia a détendu l'atmosphère : les gens chantent, dansent et ne
cachent pas leur joie. « On fait la fête ! Le NDC a remporté la présidentielle,
notre parti va être au pouvoir. Mahama a gagné ! », lance ainsi une
sympathisante du président élu tandis qu'une autre se dit « très
contente » : « la crise est dure mais John Dramani Mahama va tout changer,
on veut un meilleur Ghana », affirme-t-elle enthousiaste.
Pour d'autres, la victoire de John Mahama fait renaître un certain espoir
après plusieurs années de crise économique. « On a souffert de la corruption.
Ces huit dernières années, rien n’a fonctionné correctement au Ghana, explique
Gideon. Alors aujourd’hui, on vit notre deuxième indépendance : on va tout
remettre à plat, on va se libérer de toutes les entraves qui existaient
jusqu’ici. Je suis tellement content ! », reprend celui-ci.
Beaucoup affirment en effet avoir choisi John Mahama en raison de la mauvaise
gestion de la crise économique qui touche, selon eux, le pays, une thématique
qui a dominé toute la campagne électorale. Premier producteur d'or d'Afrique et
deuxième producteur de cacao mondial, le Ghana est confronté à une inflation et
à un endettement élevés, si bien qu'il a dû recourir à un prêt de trois
milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI).
Les Ghanéens ont parlé. Les Ghanéens ont fait leur choix. À travers ce vote,
les Ghanéens expriment leur souffrance, l’économie… le prix de l’essence est
élevé, l’électricité est chère... Nous ne voulons pas de la digitalisation de
l’économie comme le propose Bawumia, mais notre liberté.
Mettant fin à toute éventuelle polémique sur les résultats, l'appel privé du
vice-président Mahamudu Bawumia à son adversaire pour concéder sa défaite
suscite aussi de nombreux commentaires chez les vainqueurs et, plus
globalement, chez tous les Ghanéens, fiers du visage exemplaire ainsi affiché
par la démocratie ghanéenne.
« Je suis fier de l'état de la démocratie dans mon pays », affirme
ainsi Andrew, un militant du NDC. « Depuis 1992, nous sommes habitués aux
alternances : on fait nos choix grâce aux urnes. Tous les 8 ans, nous changeons
de gouvernement », renchérit un autre individu tandis qu'un troisième se
félicite que « Nana Akufo-Addo, le président sortant, n’ait jamais osé
postuler à un troisième mandat », un comportement qu'il attribue au caractère
sacré de la Constitution dans le pays : « La Constitution est suprême
au Ghana, les Ghanéens la place au-dessus de tout, on la chérit. Voilà
pourquoi, on ne permettrait à personne de la violer ! », explique encore
celui-ci. Un homme un peu plus jeune confie quant à lui son espoir que « ce qui
arrive ici puisse aussi se produire dans d’autres pays du continent. Tous
doivent observer ce qui se passe au Ghana », lance-t-il.
Ambiance plutôt morose au siège du NPP
Notre correspondant Victor Cariou était, quant à lui, au siège du NPP,
également à Accra où ont réagi les partisans du vice-président sortant. Ici
aussi, globalement, on salue son annonce. Matthew Bonsrah, un chauffeur de 33
ans qui soutient Mahamudu Bawumia, a notamment confié à RFI que « c'était la
meilleure chose à faire dans ces conditions. Ce résultat me rend triste compte
tenu de tout ce que notre gouvernement a mis en place, mais les Ghanéens ont
choisi que c’était au tour du NDC de gouverner, alors il faut
l'accepter », affirme-t-il.
Pour la ministre de l’Information sortante, Fatimatu Abubakar, son fair-play
est même un message envoyé non seulement aux Ghanéens, mais aussi à tous les
chefs d’Etat du continent. « Je pense que cela inspirera les dirigeants
des autres pays africains en montrant qu'après avoir effectué son mandat, il
faut quitter le pouvoir et permettre à d'autres personnes d'y accéder. Si vous
perdez, soyez magnanime. Si vous perdez, reconnaissez votre défaite et
permettez à votre pays de se soigner : passez à autre chose ! », a-t-elle
déclaré au micro de Victor Cariou.
Le message de ce discours, c'est : «Regardez notre pays, quand il s'agit de
démocratie, nous continuerons de montrer l'exemple sur le continent africain !»
Si tous reconnaissent que cette annonce rapide permet de garantir la paix dans
le pays, certains estiment toutefois que le vice-président aurait pu attendre
encore un peu pour reconnaître sa défaite, jusqu'à disposer au moins de
quelques résultats publiés par la commission électorale par exemple. Et comme
après une défaite, l'ambiance était plutôt morose. Beaucoup de personnes disent
notamment ne pas vouloir s'exprimer car trop triste. L'expression « faire
le deuil » a même été utilisée.
Plus que triste ou déçu, Denis Adjeku, l'un des nombreux organisateurs locaux
du NPP, est lui en colère face à cette défaite de son camp qu'il attribue à une
campagne « raté ». « L’argent qui aurait dû être donné à certains
pour faire une bonne campagne a été donné à d'autres. Les militants de terrain
ont été ignorés », s'agace-t-il.
A la question de quelle sera la suite pour le Nouveau parti patriotique et ses
supporters, un autre des coordinateurs locaux du NPP répond ne pas savoir, que
de nombreuses promesses ont été faites, et qu'il faut maintenant attendre de
recevoir les directives. Certains ont dit s'accrocher, déjà, à l'espoir d'une
éventuelle victoire lors de la prochaine élection présidentielle, en 2028.
RFI
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