Publié le Mar 13 Août 2024 | Modifié le Mer 14 Août 2024 54 Vue(s) [222 articles]
La Côte d'Ivoire vient de commémorer pour la 64eme fois son accession à l'indépendance. Pour la circonstance, le président du Rassemblement Démocratique Ivoirien, Chérif Hamed Haïdara a accordé une interview à la presse à travers laquelle il porte un regard sur le parcours de la Côte d'Ivoire et celui de l'Afrique. Il distribue des points et interpelle les africains et les ivoiriens.
- La Côte d'Ivoire vient de commémorer
pour la 64eme fois, son accession à l'indépendance. Qu'est-ce que cela vous
inspire ?
- 64 ans dans la vie d'un homme représentent
l'âge de la maturité. Il a fini de se former à l'épreuve des nombreuses
difficultés qu'il a rencontrées. Il est mâture maintenant pour affronter la vie
avec plus de sérénité. C'est logiquement dans cette situation que nous,
africains, nous trouvons aujourd'hui, même si d'aucuns me rétorqueront que 64
ans dans la vie d'une nation ce n'est pas grand-chose. Peut-être ! Mais
les pays qui ont commencé leurs marches, en tant qu'Etats modernes, nous
inspirent de leurs expériences. Et c'est tout cela qui devrait, en principe,
nous enrichir. De sorte que nous ne commettions pas les mêmes erreurs qu'eux,
devant les mêmes épreuves.
- Le bilan que vous faites de la marche
de l'Afrique est-il donc positif ?
- Le bilan ne peut pas être négatif pour
tout le continent africain, pour la sous-région Ouest africaine dont la Côte
d'Ivoire fait partie, et pour notre pays la Côte d'Ivoire elle-même en
particulier. Vous savez que le père fondateur de la Côte d'Ivoire moderne, feu
Félix Houphouet Boigny et ses compagnons de lutte, nos pères Ouezzin
Coulibaly, Hamani Diory, Kwame Nkrumah, Modibo Keita, pour ne citer que
ceux-là, rêvaient d'une chose; la liberté de notre peuple et le développement
de notre pays. Quand je dis notre pays, je vois l'idée motrice de la création
de la CEDEAO. Ils rêvaient d'unir nos peuples en un seul grand bloc, comme les
États-Unis d'Amérique, où nous pourrions circuler librement, unis face à tous
les défis. Parce que dans l'union on est plus fort. Malheureusement, le choix
du modèle de coopération avec le reste du monde a favorisé d'autres pays sur le
chemin du développement. La Côte d'Ivoire, pour ne citer que l'exemple de mon
pays, connaît un niveau de développement intéressant par rapport à d'autres
pays. La gestion rigoureuse des ressources, la discipline et le travail auront
aider à faire avancer les choses. A la Can 2023, tous ceux qui ont visité nos
villes ont réalisé le pragmatisme de nos dirigeants, et l'unité du peuple qui a
éprouvé beaucoup de fierté à brandir les infrastructures socioéconomiques que
nous possédons. Tout n'est pas forcément parfait ici, mais il faut reconnaître
qu'il y a eu un grand effort de la part des différents régimes qui ont gouverné
ce pays, pour le conduire à ce point. C'est le lieu pour nous, le Rdi, de les
féliciter pour le travail accompli. Nos frères du Pdci-Rda avec le président
Félix Houphouet Boigny et le Président Henri Konan Bédié, le Fpi avec le Président
Laurent Gbagbo et même le général Robert Gueï qui a conduit l'État de Côte
d'Ivoire à un certain moment de son histoire. Nos félicitations vont surtout au
Rhdp avec le Président Alassane Ouattara qui a élevé le débat à un autre
niveau. Oui, c'est Ado qui a mis le pays en chantier aux lendemains de la crise
qui l'a effondré, pour en faire ce que nous voyons aujourd'hui. À l'accession à
l'indépendance nous n'avions qu'Abidjan, Grand-Bassam et Bingerville comme
grandes villes. Aujourd'hui, allez - y visiter Agboville, Adzopé, Anyama,
Katiola, Ferkessedougou, et j'en passe... à côté de Yamoussoukro, Bouaké,
Korhogo et Man que les gens connaissaient déjà. Notre pays est sur le chemin du
développement et cela est indiscutable. Hier nous n'avions qu'une seule
université et seulement deux Centres hospitaliers Universitaires (le CHU de
Cocody et celui de Treichville). Aujourd’hui, nous en avons plusieurs et mêmes
les nombreux Centres hospitaliers Régionaux (Chr) et les hôpitaux généraux dans
nos villes ou régions rivalisent avec ces établissements sanitaires au niveau
du plateau technique. Au plan sécuritaire également. L'armée ivoirienne a
démontré sa capacité à faire face aux défis, de même que la police et la
gendarmerie nationales font un excellent boulot pour garantir la sécurité et la
stabilité. Au plan économique aussi on a assisté à l'arrivée de nombreux
investisseurs étrangers aux côtés de nos champions nationaux pour renforcer le
PIB. Aucune œuvre humaine n'est parfaite et il reste encore beaucoup à faire.
Cependant il faut reconnaître qu'il y a eu une réelle évolution depuis le 7
août 1960, et que les ivoiriens n'ont pas à être complexés quand on parle de
développement. Et certains pays de la sous-région Ouest africaine non plus. Je
pense que c'est dans l'optique de partager ce développement que nos pères
fondateurs que j'ai cités plus haut ont eu l'idée de créer la CEDEAO. Leur
vision était de fédérer nos marches, afin d'uniformiser le développement chez
nous.
- Il n'empêche qu'aujourd'hui le Mali,
le Burkina Faso et le Niger se sont retirés pour créer l'AES. Cela ne constitue
-t-il pas un désaveu de ce rêve voire une menace d'implosion de cette
organisation ?
- Ce qui est fait est fait et nous
n'allons juger personne. Mais nous estimons qu'on peut faire mieux lorsqu'on va
en démocratie et qu'on se donne les mains. C'est le philosophe français Blaise
Pascal qui disait que '' Tous les hommes cherchent le bonheur. Même ceux
qui vont se pendre ''. Ses Excellences Messieurs le Capitaine Ibrahim Traoré,
le Colonel Assimi Goïta et le Général Abdouramane Tiani respectivement chefs
des Etats frères du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont pensé faire mieux, en
optant pour le départ de leurs pays de l'organisation. Et ce, parce qu'ils
pensent que c'est mieux ainsi. Nous voudrions respectueusement seulement les
interpeller, en leur disant que nous sommes et devons rester une famille
soudée. Même avec le soutien de la Russie, combien est-il difficile de résoudre
la situation sécuritaire qu'ils traversent ! Nous ne perdons pas de vue que le
terrorisme est une sérieuse menace pour nos pays en quête de développement et
de paix. Et ce n'est qu'ensemble qu'on peut venir à bout de l'ennemi. Qu'on ne
s'y méprenne pas.
- Ils ont peut-être d'autres ambitions
que celles des membres de la CEDEAO. Ne pensez-vous pas ?
- Évidemment, personne ne leur dénie le
droit d'avoir des ambitions. Cependant, nos pères fondateurs ont projeté que
nous nous mettions ensemble, parce qu'ils avaient, depuis toujours, conscience
de l'importance des défis qui seraient ceux de notre peuple. Ils envisageaient
que nous formions un seul état dans lequel les citoyens circuleraient
librement, avec une seule douane, une monnaie unique etc. Il nous
appartient de rester dans cette vision, quelques soient les problèmes. Ce n'est
que par le dialogue franc et sincère que tout peut se construire. Et cela
interroge les motivations réelles de nos frères qui sont partis créer l'AES.
Ils ont besoin d'aide, alors que la CEDEAO peut mobiliser une fausse militaire
importante pour les soutenir. Ils ont besoin de développement alors que dans
notre organisation sous régionale nous avons des potentialités qui pourraient
leurs profiter. Je pense qu'il faut qu'on fasse des concessions de parts et
d'autres pour que ces frères se sentent à l'aise au milieu de nous. Il ne
s'agit nullement de leur demander de revenir à la maison, juste pour la forme !
Il faut créer de réels conditions pour rendre agréable la vie dans la
communauté ou tout au moins l'améliorer. Nous pensons que le président Alassane
Ouattara, en tant que doyen d'âge des chefs d'États de la CEDEAO et de par son
leadership indiscutable peut vraiment aider à cela. C'est notre vœu au Rdi,
pour que l'unité sous-régionale et africaine devienne réalité.
- Nous allons conclure par les
accusations du chef de l'État Burkinabè contre les autorités ivoiriennes de
préparer la déstabilisation de leur pays. Votre avis sur la question ?
- La meilleure voie pour traiter de ces
questions c'est la diplomatie. Et nos frères burkinabè devraient plutôt user de
ces moyens pour lever tout équivoque. C'est une question de responsabilité,
dans la mesure où de telles sorties pourraient vite conduire à des situations
dont le contrôle peut échapper à tout le monde. Sur l'autel des intérêts
politiques, les citoyens africains ont déjà trop donné. Il faut que nous, les
hommes politiques, prenions pitié d'eux pour leur faire l'économie de certaines
situations qu'on peut éviter. Tous les problèmes peuvent se régler en
diplomatie. Quand on soupçonne quelqu'un de quelque chose et qu'on pense
détenir des preuves suffisamment accablantes, il faut le confondre en lui
montrant ces preuves là avec courtoisie. Ça va éviter beaucoup de choses. Dans
le cas d'espèce, les prétendues preuves n'ont jamais été fournies. Alors que
des personnes qui n'ont rien à voir avec cette affaire auraient pu faire les
frais d'extrémistes en quête d'occasion de démontrer leur zèle. Il faut donc
que nous fassions preuve de beaucoup de responsabilités et surtout d'humilité.
Je le répète, nous restons une famille. Par conséquent, je pense que la Côte
d'Ivoire n'a aucun intérêt à ce que le Burkina Faso, le Mali ou le Niger tombe.
Notre prière est que nos frères retournent à la table des discussions, afin
qu'ensemble nous envisageons des dispositions pratiques à prendre pour faire
ensemble front devant les nombreux challenges.
Propos recueillis par Orso Kanon
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