Publié le Mar 29 Octobre 2024 37 Vue(s) [225 articles]
Les prochaines élections présidentielles en Côte d’Ivoire, c’est seulement dans une petite douzaine de mois. Malheureusement, ce compte à rebours implique aussi une montée fulgurante de la tension sociale qui préoccupe le rassemblement démocratique ivoirien (Rdi). Dans l’interview qu’il nous a accordée mardi 29 octobre 2025 au Siège de son parti sis à Abobo, Chérif Hamed Haïdara lance un appel aux ivoiriens et aux hommes politiques de son pays.
• La révision de la liste électorale vient
d’être lancée. Quel regard porte le Rassemblement Démocratique Ivoirien sur
cette opération ?
Vous
savez, nous sommes un parti qui prône la paix sociale comme gage du
développement durable. Nous n’avons cessé d’appeler à l’apaisement pour que
l’élan de développement dans lequel la Côte d’Ivoire s’est engagée avec le
Président Alassane Ouattara puisse se poursuivre. Il va de soi donc que nous
souscrivions entièrement à toute initiative qui concoure à lever les
équivoques. Les partis d’opposition contestent la crédibilité de la liste
électorale, parce qu’elle comporterait encore des irrégularités, comme les noms
des personnes décédées. Nous pensons qu’il est important que l’on procède au
toilettage de cette liste. En sorte que, ce soit effectivement ceux qui en ont
le droit qui y figurent. C’est donc une bonne chose et nous nous en
réjouissons. Avec les mesures prises par le gouvernement pour faciliter l’accès
aux documents requis pour l’inscription, nous pensons que le maximum de
personnes y ayant droit se fera inscrire. Cela donnera plus de légitimité au
Président de la République. Le Rdi se met donc aussi en campagne pour
sensibiliser les nouveaux majeurs à converger vers les centres indiqués afin de
s’inscrire sur la liste électorale. C’est la condition pour prendre part aux
choix des Hommes qui vont nous diriger.
• La tension est montée ces derniers jours
dans l’environnement sociopolitique du fait de nombreux problèmes ; la
dissolution des associations estudiantines à caractère syndical, de la grève
des enseignants et des agents du ministère de la santé et même dans l’arène
politique où la réinscription de Laurent Gbagbo et la question de nationalité
de Tidjane Thiam refont surface. Comment le Rdi perçoit-il cette situation ?
Si
vous le permettez on va y aller par pallier. D’une part, en ce qui concerne les
grèves des fonctionnaires. C’est un droit qui leur est reconnu par la
constitution et le code du travail. Nous ne pouvons donc pas denier à quelqu’un
son droit de réclamer de meilleures conditions de travail et de vie. Seulement
que, nous pensons qu’il faut prioriser la discussion. Quand des gens ne sont
pas contents, il faut les écouter et partager la réalité que l’on vit avec eux
pour les rassurer. L’un des responsables syndicaux a dit que c’est au père qui
donne qu’on demande. Et cela est juste. Le revers du développement c’est
l’inflation et cela implique l’augmentation du coût de la vie. Si les gens font
face à des difficultés, c’est leur droit de le faire savoir. Le gouvernement
doit les recevoir pour discuter avec eux. Néanmoins, il faut savoir poser les
problèmes. Autrement, le père qui donne ne peut pas satisfaire l’enfant qui
demande avec condescendance ou arrogance. Nous encourageons donc les autorités
à toujours prêter une oreille attentive aux réclamations des fonctionnaires et
agents de l’Etat. De même, nous
conseillons aux fonctionnaires d’y aller avec la manière, en privilégiant la
négociation. Parce que, de toutes manières, quand les mécontents auront fini
par manifester, ils devront s’asseoir pour discuter de la suite avec
l’autorité. Comprendre cela évitera même des échauffourées inutiles. Nous
savons tous comment la trêve sociale a été profitable à tous. Dans une émission
télévisée le 21 octobre dernier, monsieur Théodore Zady Gnagna qui est un leader
syndicaliste déclarait que les fonctionnaires ont obtenu en 2022 plus de 1000
milliards de francs CFA sur 5 ans et que le gouvernement a commencé
immédiatement à payer, dès la fin du mois d’août 2022. Il a aussi évoqué
l’institution de la prime de fin d’année qui est en quelque sorte le 13ème
mois, et aujourd’hui le tiers accordé aux retraités par le président de la
République son Excellence Alassane Ouattara est aussi lié à ce dialogue. Mais
surtout, le cadre même de concertation créé est une avancée qui devrait
permettre de préserver un climat de tranquillité profitable à tous. Les gens
ont pris des engagements. S’il y a des difficultés à les respecter, il faut le
faire savoir et s’asseoir pour discuter. Cela permet de continuer à avancer.
D’autres parts, au plan politique, il y a tellement de problèmes… Le constat que nous faisons, c’est que
personne n’est prêt pour les prochaines élections présidentielles prévues pour
octobre 2025. D’abord au niveau même de la commission électorale indépendante
(Cei). L’opposition n’a cessé de contester la crédibilité de la liste
électorale. En raison de la présence de personnes décédées et d’autres dont les
identités seraient douteuses. C’est le schéma parfait pour des contestations in
fine ! Il faut un minimum de consensus pour qu’il n’y ait pas de contestation
et que la Côte d’Ivoire sorte grandie de cette épreuve. Mais surtout, au sein
des partis politiques même, il y a problème. Au Rhdp, nous sommes face à
l’incertitude. Les militants sont divisés parce que pour un groupe, le
président Alassane Ouattara doit briguer un autre mandat, pendant que dans le
secret un nombre non négligeable redoute que cela suscite des troubles dans le
pays. Ces derniers sont plutôt favorables au choix d’un dauphin autour de qui
tout le monde va gagner du temps en s’activant dès maintenant. Au Pdci-Rda, la
situation n’est pas plus confortable. Des militants soutiennent le nouveau
président Thiam pour briguer la magistrature suprême du pays. En face il y a
une catégorie importante de militants qui pensent qu’il faut aller à des
primaires pour désigner un candidat consensuel. Il leur faudra du temps pour
trancher. En attendant chacun fait son projet avec ses hommes. Et l’incertitude
demeure. Au Ppa-ci, le président Laurent Gbagbo, désigné pourtant comme
candidat du parti pour ces élections, n’est pas inscrit sur la liste
électorale. A peine sorti de la prison
de la Haye après son acquittement des suites à la crise postélectorale de 2010,
il est encore sous une condamnation de la justice ivoirienne pour l’affaire du
casse de la BCEAO. De même le président du Cojep Charles Blé Goudé qui a été
acquitté à la Haye et qui est sous une condamnation de la justice ivoirienne.
De ce fait, il ne figure pas sur la liste électorale. Il y a aussi le cas Soro
Guillaume. L’ancien premier ministre et ancien président de l’assemblée
nationale est en exil. Sous le coup d’une condamnation également, il ne peut
prendre part aux élections, parce qu’il est radié de la liste électorale. Tout
ça fait beaucoup, pour que notre sommeil, en tant qu’ivoiriens soit troublé.
Cela ne présage rien d’autres que des problèmes. Et le rassemblement
démocratique ivoirien qui est préoccupé par la stabilité du pays, porte un
regard impartial sur cette situation.
• Devant ce tableau apocalyptique, que
propose concrètement le Rdi ?
Nous
lançons un appel à l’apaisement à la classe politique et aux ivoiriens en
général. Vous savez, nous n’avons pas d’autre pays que la Côte d’Ivoire. Et ce
pays-là doit être sacré pour chacun de nous. C’est quelqu’un qui disait
qu’aucun sacrifice n’est trop grand pour la patrie. Chacun des ivoiriens doit
s’élever au-dessus de ses intérêts personnels pour préserver sa patrie. Quand
nous avons connu jusqu’à trois mille morts pour nos incompréhensions en 2010-2011,
nous n’avons pas le droit de recommencer les mêmes choses qui nous ont conduits
à ce triste résultat. Le rassemblement démocratique ivoirien appelle les
politiques et les organisations de la société civile ivoiriens à s’asseoir
rapidement autours d’une table pour discuter. Nous devons passer nécessairement
par un arrangement politique pour vaincre le signe indien. Autrement les mêmes
causes produisant les mêmes effets, nous allons nous retrouver inévitablement
dans le mur. Les ivoiriens ne peuvent pas ne pas avoir tiré les conséquences
des tragiques évènements que nous avons vécus.
• Et quels doivent être, selon vous, les
termes de références de cette discussion à tenir ?
Il faut régler les cas Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Soro Guillaume. Donc, premièrement, prendre des dispositions
politiques pour rendre les élections vraiment inclusives. De sorte que tous y
participent et que le meilleur gagne. On dit qu’il n’y a point de gloire à
triompher sans lutte. Je n’ai jamais caché mon admiration personnelle et ma foi
en la capacité du président Alassane Ouattara de gagner tous les challenges.
Parce qu’il a un bilan élogieux qui pourrait influer en sa faveur. Le jeu
démocratique implique la liberté du choix au peuple. Personne mieux que le peuple
sait ce qui est bon pour lui. Le président Alassane Ouattara qui a beaucoup
d’atouts ne saurait aller seul à des élections où déjà tous ses concurrents
sérieux sont éliminés d’avance ! Dans cette perspective, il faut prendre des
dispositions pour apaiser les cœurs et créer les conditions d’une union sacrée
des ivoiriens autour de leur pays. Et pour bien faire les choses, il faut
ensuite procéder au toilettage de la liste électorale et corser la
sensibilisation de la mobilisation en finançant une mission des partis
politiques à l’effet de la révision de la liste électorale ; pour cette année
et également l’année prochaine, conformément à la prescription de la loi. Au
risque de me répéter, il faut que les nouveaux majeurs soient tous inscrits sur
la liste électorale et toutes les personnes qui y ont droit également. A défaut, un arrangement politique devrait
aboutir à la retraite de l’ancien président Laurent Gbagbo et du Président
Alassane Ouattara. Ces deux personnalités dont le leadership est incontestable
pourraient jouer alors un rôle important de Haut-Conseillers pour les nouvelles
générations et de garants moraux de la nation. Je pense personnellement qu’à
l’heure actuelle, et avec le leadership qu’ils ont démontré, ils ne devraient
plus appartenir à aucun parti politique. Ils seraient plus profitables à la
nation en tant que tels. Etant désormais des référents de la nation, s’il y a
des soucis, pourquoi ne seraient-ils pas les derniers remparts à qui le peuple
va recourir pour aider à préserver la stabilité du pays ? Ce statut-là doit
s’inventer. Parce que nous regrettons tous aujourd’hui feu le président Henri
Konan Bédié qui était l’aîné de ces deux dinosaures politiques. Lui seul
pouvait les regarder droit dans les yeux pour leur tenir un langage de vérité.
Aujourd’hui ils sont restés seuls. Et nous convenons que cette génération dorée
est irremplaçable. Nous n’aurons plus dans les dix ou vingt années à venir des
hommes de la carrure d’Alassane Ouattara et de son frère Laurent Gbagbo. Il
faut donc profiter maintenant de leurs forces autrement que dans la
belligérance et les conflits d’intérêts individuels. Si les ivoiriens
s’asseyent pour discuter, ils peuvent donner un contenu à ce statut de
Haut-Conseillers de la république de nos anciens chefs de l’Etat et nous
croyons que cela peut aider vraiment la Côte d’ivoire. Toutefois, les deux
présidents garderont leur qualité d’électeurs pour continuer à exprimer leur
droit dans les urnes. Nous proposons surtout la création d’une charte qui
institue un gouvernement d’union nationale à l’issue de la prochaine élection
présidentielle, pour que tout le monde soit à la tâche dans la construction du
pays. Mais avant, il faut reporter l’élection d’octobre 2025 de douze mois au
moins ; supprimer la caution financière à payer pour être candidat à la
présidence de la république ; supprimer également les parrainages. Dans une
démocratie, n’importe qui peut se mettre au service de son pays. Peu importent
ses origines ou sa condition sociale. Seul le peuple choisit en s’appuyant sur
ses idées et son projet de société. Nous pensons que ces arrangements que nous
appelons nécessitent forcément du temps et des moyens financiers qu’il va
falloir mobiliser. Et, dans ce sens, dès
fin octobre 2025, la classe politique et la société civile devront s’asseoir
pour convenir d’une transition dirigée par le président Alassane Ouattara et
son frère Laurent Gbagbo, avec la participation de tous, pour organiser ce
changement.
• Alors que des dates sont déjà prévues pour
le renouvellement des instances de la république. Ce que vous prévoyez-là ne
s’apparente-t-il pas à une violation de cette constitution ?
Vous
savez, il ne faut pas cultiver aveuglement le fétichisme des dates. Lorsqu’une
personne est malade et que son pronostic vital est engagé, les médecins sont
obligés de tout mettre en œuvre pour la sauver ! C’est un peu dans cette
situation que nous croyons être aujourd’hui. Le spectre des violences
électorales plane et il n’y a qu’à jeter un regard objectif dans l’arène politique
pour s’en rendre compte. Ce pays nous appartient, en tant qu’ivoiriens. Nous ne
devons pas croiser les bras pour le regarder se déchirer une nouvelle fois.
Loin de nous l’idée de violer la constitution. Mais la réalité c’est que nous
fonçons tout droit dans le mur ; Il faut que tout le monde fasse des
propositions et que nous nous écoutions les uns les autres pour préserver notre
pays de la ruine. Et voici celles du rassemblement démocratique ivoirien. D’autres voix pourront s’élever pour faire
des observations ou d’autres propositions. Nous pensons que c’est à ce prix que
des vies seront préservées. Lors de la dernière coupe d’Afrique des nations de
football organisée par notre pays, nous avons vu la détermination des ivoiriens
à défendre le drapeau national. On a tous fait bloc derrière notre capitaine
papa Ado et comme un seul homme nous avons fait preuve d’une résilience
extraordinaire pour ressusciter et remporter la coupe. Et pourtant nous étions
au bord du gouffre ! Cette image montre bien que si les ivoiriens sont unis,
rien ne pourra triompher d’eux. Ce que nous disons n’est pas pour faire plaisir
au président Alassane Ouattara ou à son frère le président Laurent Gbagbo,
forcément. Mais s’ils aiment la Côte d’Ivoire, comme nous le pensons, alors ils
devraient analyser cette perspective. Tous les ivoiriens qui ont le souci de
préserver notre pays des conflits des grands intérêts devraient envisager aussi
cela. Nous ne faisons pas des prédictions apocalyptiques, comme vous le disiez
tantôt. Mais nous analysons les faits que nous voyons et tirons simplement la
sonnette d’alarme.
Propos recueillies par Orso
Kanon (avec www.lenqueteur.info)
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