Publié le Ven 20 Janvier 2023 | Modifié le Ven 20 Janvier 2023 768 Vue(s) [7 articles]
Antoinette Konan est artiste chanteuse et musicienne internationale d’origine ivoirienne. Reconnue pour sa voix suave et son talent qui lui ont valu des lauriers à travers le monde, la reine de l’Ahoco comme on l’appelle en Côte d’Ivoire vient de célébrer ses quarante années de carrière musicale. Succès ou échec ? L’artiste elle-même se prononce et réagit sur l’actualité socio-politique de son pays.
Vous venez de célébrer vos quarante ans de carrière musicale, avez-vous l’impression d’avoir réussi la fête ou est-ce un échec, comme le soutiennent certaines personnes ?
Il faut d’abord se poser la question de savoir quel but nous recherchions à travers cette célébration ? Pour moi, la marche a été longue. Tout n’a pas été facile et malgré les épreuves ou les obstacles, j’ai bénéficié de la grâce de Dieu et de l’appui de certaines personnes pour réaliser cette carrière. J’ai eu plusieurs prix, des distinctions au plan local et à l’échelle internationale, et de nombreux fans ici en côte d’ivoire, en Afrique et même dans le monde. Il s’agissait de marquer un arrêt pour communier avec ces personnes qui m’aiment et qui adorent ce que je fais. Ces personnes sont venues me rejoindre pour faire la fête. D’autres n’ont malheureusement pas pu se déplacer du fait de quelconque empêchement. Mais dans l’ensemble tout s’est bien passé et nous avons fait la fête. Ceux qui ont effectué le déplacement peuvent témoigner. Nous avons eu un satisfecit total. Donc pour nous, cette fête a connu un franc succès.
Il n’empêche, nous vous savons très engagée pour la cause de la communauté baoulé. Mais l’on a eu l’impression que vos compatriotes vous ont lâchée…
(Soupir…) Je suis une personne favorable à la communion fraternelle. Et je n’aime pas l’hypocrisie. Quand je m’engage dans une cause, je le fais totalement. C’est pourquoi il a été donné à tout le monde de me voir engagée dans cette affaire. Cependant j’avais des appréhensions quand Jean-Marie (Ndlr : promoteur d’évènements) est venu me voir. Je ne lui ai pas caché mes craintes. Mais il été tellement convaincant que je me suis laissée entrainer. Sauf qu’il fallait compter avec certains individus qui cultivent avec un art inqualifiable les complexes de supériorité ou d’infériorités. Tout ce que vous avez pu entendre de méchant ou rabaissant par rapport à ces festivités, c’est de leur œuvre. Ils pensent qu’ils doivent nécessairement frustrer les autres pour exister. D’aucuns même pensent que la communauté baoulé est leur patrimoine personnel. Mais je n’ai que faire de ces comportements. J’aime ma communauté et je ne regrette pas de la défendre ou de promouvoir la culture baoulé. Il faut cependant noter qu’en raison de l’importance numérique du peuple baoulé et des différents groupes qui composent la communauté, il est difficile d’y faire quelque chose. Moi je veux y semer l’amour pour rassembler tout le monde autour d’un idéal. Ceux qui veulent y faire autre chose, c’est leur problème. Je suis né à Abidjan, j’y ai grandi et j’y ai fait toute ma vie pratiquement. J’ai eu par conséquent la chance de tisser des liens forts avec les autres communautés ethniques également. Donc, quoique j’aime ma communauté baoulé, si elle m’avait boudé, quand même mes concerts auraient eu lieu. Et puis de toutes façons certains de mes compatriotes étaient avec moi jusqu’à la fin. A ceux –là je dis merci pour tout et que Dieu les bénisse. A quarante ans de musique, on ne peut plus taper poteau. Nous avons eu l’occasion de faire la fête et de montrer qu’on a encore beaucoup de choses à apporter. C’est cela et je m’arrête là.
Il se raconte que les baoulé vous ont tourné le dos parce que vous avez trahi le PDCI. Votre commentaire à ce propos.
Ah bon ? (Rires). Non…soyons sérieux ! Le droit à la différence est fondamental et il faut le respecter. Moi j’ai choisi d’être au RHDP librement parce que je suis contre l’injustice que le président Alassane Ouattara a subie dans ce pays et je trouve qu’il est un leader éclairé. Il a un leadership indiscutable. Regardons la vitesse avec laquelle il a reconstruit le pays après les évènements tragiques que nous avons vécus. Aujourd’hui toute la côte d’ivoire est en chantier. Nous avons l’assurance que personne ne peut nous surprendre pour déstabiliser le pays parce qu’il veille au grain. Et cette stabilité profite à tout le monde. Ces routes, ces ponts, ces infrastructures qu’il construit, il ne les emportera pas avec lui à sa retraite. L’homme a fait don de lui-même pour que le peuple vive en paix et surtout épanoui. Je crois personnellement que le président Alassane Ouattara est une chance pour la côte d’ivoire qu’on ne devrait jamais lâcher. Si la chose la mieux partagée c’est le bon sens, nous devons tous convenir sur la question. Un jour les ivoiriens rechercheront cet homme comme aujourd’hui tout le monde recherche Houphouët Boigny.
Vous étiez proposée par vos compatriotes pour être députée au moment où vous militiez encore au PDCI. Finalement la direction du parti a préféré un homme. Apparemment vous n’avez pas encore digéré cette frustration ?
Je n’ai pas de problème avec ce qui s’est passé. J’ai toujours été une militante disciplinée. C’est pourquoi je me suis toujours alignée. Mais c’est déplorable cette mentalité selon laquelle la femme est moins dynamique que l’homme. Il faut s’élever au-dessus de ces considérations pour apprécier les défis qui s’imposent avec objectivité. Nos parents peuvent être conditionnés par des intellectuels ou des politiques pour croire que c’est le genre masculin ou l’ethnie qu’il faut face à telles ou telles situations. Moi je dis, ouvrez la porte au développement. Une femme peut faire mieux qu’un homme. Et pour ce qui est du développement, il ne s’agit pas de politique politicienne. Des gens ont géré ce pays avant le Rhdp. On les a vus à l’ouvrage et on connait leurs résultats. Aujourd’hui on voit aussi les résultats du Rhdp. Je pense qu’on devrait sortir des émotions pour apprécier les choses différemment. Pour la petite histoire, lorsqu’il y a eu la crise de 2002, j’étais seule avec ma coalition à me rendre à Bouaké pour apporter du réconfort à nos parents. Toutes ces personnes qui se tapent la poitrine aujourd’hui s’étaient terrées chez elles. Malgré la précarité de la situation sécuritaire de l’autre côté une voix me disait d’y aller. Et c’est ce que j’ai fait. Des témoins sont là. Et les populations savent se souvenir de ce genre d’action. Mon amour pour ma communauté est grand et fort.
Il se dit que la mort des danseuses d’Adjanou de Sakassou hante les relations entre les politiques et les ressortissants du grand centre de la cote d’ivoire. En tant que fille de cette région qu’en pensez-vous ?
Honnêtement c’est un sujet vraiment triste. Pour moi il faut tourner la page de ces tristes évènements. Et la manière la plus correcte serait pour notre région de faire le deuil de nos mamans qui sont mortes dans ces circonstances tragiques. Si nos ainés n’ont pas pu s’accorder hier pour le faire, je souhaiterais qu’ils le fassent maintenant. Moi, en tant que petite-fille de cette zone, je m’associerais volontiers à une mission dans ce sens pour les sacrifices nécessaires, afin que l’esprit de nos mamans repose en paix.
Propos recueillis par Orso Kanon
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